Le mix énergétique renouvelable
Qu’entend-on par mix énergétique ?
Si cette appellation ne fait guère de doute sur son acceptation primaire (le mélange de différentes formes d’énergies, y compris fossiles) elle devient encore plus intéressante quand on lui adjoint l’adjectif « renouvelable » !
C’est que pour remplacer directement une énergie fossile à tout faire, comme le charbon, le pétrole, ou encore le gaz, fortement carbonée, une énergie renouvelable prise isolément ne convient que rarement…
Et pourquoi cela ?
Essentiellement à cause du stockage de l’électricité ou de la chaleur.
On peut remplir une citerne de mazout, une cave de charbon, une cuve de gaz liquéfié, et ainsi prévoir la consommation qui en sera faite avec une confortable marge, puisqu’il suffit d’agrandir les stocks pour contrer toute insuffisance.
Et changer de technique permet, avec les mêmes bases, de produire non plus de la chaleur, mais de l’électricité, de façon tout aussi linéaire et prévisible. Idem avec les centrales nucléaires, dont le combustible peut être stocké pour des années…
Avec les principales énergies renouvelables, il en va tout autrement !
L’exploitation de l’abondante énergie solaire est diurne, et sa captation efficace nécessite un ciel dégagé et une exposition convenable.
La capricieuse énergie éolienne requiert un vent minimum, soutenu, mais pas trop fort ; rien ou presque n’est produit par calme plat ou tempête.
L’énergie hydraulique est plus intéressante, puisque l’eau qui sert au turbinage peut être stockée dans des barrages (ou provenir de fleuve, ou encore de la mer et des océans) et donne ainsi une certaine prévisibilité : oui, mais, un barrage, comme une usine marémotrice, ne se construit pas n’importe où… C’est un ouvrage d’État ou de consortiums, qui nécessite le sacrifice de grands espaces pour le lac artificiel (barrage de montage) énormément d’eau, sans oublier un investissement humain, financier et temporel colossal, à l’image de l’ouvrage érigé.
Reste la biomasse, qui peut-elle aussi se stocker dans une certaine mesure sous sa forme gazeuse (méthane) ou liquide (bio éthanol) mais en quantité insuffisante, du moins à l’échelle des besoins énergétiques d’un pays entier…
Le remplacement des énergies fossiles classiques n’est donc pas tant un problème de puissance que de disponibilité, de linéarité et, surtout, de stockage tant l’électricité comme la chaleur se conserve difficilement, du moins en grandes quantités.
Alors, cause perdue ?
Pas si on casse le paradigme d’une source d’énergie renouvelable unique dans tous nos bâtiments !
Les trois principales sources du mix énergétique.
Associer la géothermie, une énergie de basse intensité, mais permanente, pour le chauffage et la climatisation via une pompe à chaleur réversible, et le problème de la température des bâtiments est réglé, fort élégamment, par le biais du sous-sol qui s’y prête souvent, pour peu que l’on adapte le corset réglementaire qui entrave parfois l’exploitation de cette énergie prometteuse.
Prenons un peu de hauteur maintenant : sur le toit, des panneaux solaires couvrent toute la surface utile : suffisant pour l’électricité consommée par une famille moyenne, y compris avec une voiture électrique, du moins par beau temps au printemps et en été, quand les journées sont longues.
Sur le toit toujours, ou dans le jardin, une ou plusieurs éoliennes de nouvelle génération, silencieuses et d’une taille adaptée, en guise d’appoint à l’énergie solaire. Là encore, seuls les grands ouvrages sont timidement mis en avant, et régulièrement combattus par une pluie d'oppositions, mais le petit éolien, pourtant intéressant, est quasiment aux abonnés absents, dans notre pays du moins...
Dans ce cas idéal, en moyenne annuelle, il est probable que ce domicile soit autosuffisant en énergie, mais pas autarcique pour autant : pour les nuits d’hiver sans vent, et les semaines nuageuses, un complément provenant du réseau restera indispensable.
À l’inverse, en situation optimale, ce domicile alimentera le réseau avec son surplus de production, mais demeure toujours le problème du stockage, et donc de la prévisibilité. Si les batteries sont des candidates déjà opérationnelles pour un domicile familial, les grandes capacités sont encore onéreuses, et leur recyclage en fin de vie complexe, même si ce dernier point progresse rapidement.
Dans l’intervalle, en partant du principe que la transition vers le véhicule électrique (VE) est en cours, pourquoi ne pas utiliser une part de sa grande batterie automobile (de 40 KW à 125 KW) comme stockage pour le réseau quand le véhicule est à l’arrêt, branché sur ce même réseau, justement ?
Le concept fut développé par le constructeur japonais Nissan à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima Daichi, à une époque où l’approvisionnement électrique de l’archipel nippon était déstabilisé ; c’est le Véhicle To Home (V2H) ou le Véhicle too Grid (V2G) deux techniques que nous présenterons ultérieurement en détail.
À condition d’utiliser des bornes de recharge réversibles adaptées, imaginez que chaque bâtiment, chaque domicile, immeubles d’appartements compris, qui abrite des véhicules électriques branchés, devienne un espace de stockage déporté à l’usage du réseau ?
Dans un pays comme la Suisse, où circulent environ 4,7 millions de voitures de tourisme (BFS admin.ch 2021) même en comptant que l’électrification totale du parc automobile n’est pas pour demain, mais légalement pour après-demain, la forte évolution de la vente de ces véhicules permettrait rapidement une souplesse et une décentralisation du stockage à l’échelle du pays tout entier…
Comment ?
Avec un contrat passé sur une base volontaire entre le fournisseur d’électricité du réseau et le particulier ou l’entreprise, similaire à celui déjà en vigueur avec les panneaux solaire. Il suffirait d’indiquer une limite de batterie à ne pas dépasser selon les besoins estimés du propriétaire (qui utilise chaque jour les 350 à 500 km d’autonomie de la batterie d’un VE moderne ?)
Certes, la batterie s’userait un peu plus, mais cela pourrait être compensé par un tarif d’achat du kW/h avantageux, ou n’être utilisé qu’en cas de nécessité (forte demande sur le réseau national l’hiver, par grands froids et en soirée, notamment…)
Avec un seul million de VE, soit environ un cinquième du parc actuel, en estimant que chaque VE mette à disposition 10 kWh de sa batterie, ce serait 10 millions de kWh potentiellement stockés de façon décentralisée...
Et le plus intéressant, c’est la période de cette disponibilité : en Suisse, le pic de consommation se produit généralement entre 18h00 et 22h00, quand la majorité de la population rentre chez elle, et allume simultanément la lumière, le chauffage et tous les autres consommateurs d’énergie du domicile. Et où se trouvent les véhicules électriques à ce moment-là ? Bien souvent au garage, branché sur une prise de recharge elle-même branchée au réseau !
Techniquement, tous les éléments ou presque sont disponibles sur étagère : normes de recharge bidirectionnelle, bornes de recharge intelligentes, onduleurs adaptés, et une application logicielle dans le véhicule et sur le smartphone du propriétaire. Reste une volonté d’implication des grands fournisseurs d’électricité comme des constructeurs automobiles de VE et, pourquoi pas, une incitation étatique…
De plus, cette adaptation des véhicules électriques conserverait son intérêt de stockage même en l’absence de production d’énergie renouvelable sur le site.
L’énergie cédée au réseau pendant les heures de pointe pourrait être reconstituée pendant la nuit, au tarif des heures creuses. Elle permettrait aussi une certaine résilience du domicile en cas d’accident, qui le couperait momentanément du réseau électrique, une batterie de VE classique pouvant alimenter une maison de quelques heures à plus d’une journée, selon son niveau de charge et la consommation des lieux.
Ainsi pourrait être le futur du mix énergétique : un renversement des paradigmes axé sur la décentralisation, un investissement important réalisé à chaque domicile, neuf ou ancien, pour qu’il puisse utiliser deux ou trois sources d’énergies renouvelables présentes dans son environnement. Cet investissement (qui pourrait être subventionné) sera compensé par une diminution drastique des charges d’énergie, l’essentiel étant réalisé en autoconsommation avec la sécurité que cela comporte.
Enfin, le tout serait relié à un réseau collectif national bidirectionnel, dont l’ossature serait toujours constituée par des énergies renouvelables provenant d’ouvrages collectifs lourds (barrages, centrales solaires ou géothermiques) mais épaulés par une myriade de petits producteurs / consommateurs qui lui offriraient une indépendance, une souplesse et une résilience sans pareil : vous avez dit demain ?