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L'énergie osmotique est une énergie renouvelable, hydraulique et marine.

L’énergie osmotique

30/01/2023 - 10:00
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L'énergie osmotique est une énergie renouvelable, hydraulique et marine.

Aussi nommée énergie bleue, l’énergie osmotique se dégage naturellement quand  des eaux de salinités différentes (douce et salée) se rencontrent, formant ainsi de l’eau dite saumâtre.

Incroyable ?

Pas tant que cela !

Le processus est connu depuis 75 ans, mais pas encore exploité, car les tensions sont faibles et difficiles à capter de façon rentable.

Pourtant, le volume est absolument gigantesque, renouvelable et… constant !

Imaginez l’estuaire de nos deux fleuves nationaux (du moins à leur naissance) le Rhin et le Rhône, et visualisez le volume d’eau qu’ils précipitent en mer à la fin de leur parcours : plusieurs millions de m3 /heure, selon les saisons...

Ensuite, point n’est besoin de barrages ou d’autres ouvrages colossaux pour capter l’énergie bleue, mais une simple station de filtration composée d’un ou deux bâtiments de taille moyenne, située sur le côté du fleuve, à son embouchure.

Un peu de technique ?

L’énergie osmotique peut produire de l’électricité en tirant parti du mouvement chimique qui se crée, au niveau moléculaire, quand l’eau douce rencontre l’eau de mer. Ce processus se nomme osmose, et il est déjà utilisé industriellement, notamment dans sa forme dite «inverse» pour dessaler l’eau de mer, mais aussi dans le processus de filtrage des stations d’épuration.

Ici, le mécanisme est proche, même si plusieurs technologies expérimentales coexistent : il s’agit toujours d’une membrane semi-perméable tendue entre deux masses de salinité différente.

Dans la première, dite "PRO" (osmose retardée) en organisant le mélange des deux masses d’eau, on augmentera la pression dans celui qui contient l’eau salée, ce qui permettra d’actionner une turbine qui, couplée à un alternateur, produira de l’électricité.   

Dans la seconde, dite "RED" (électrodialyse inverse) la technique exploite la différenciation chimique des anions et des cations (des éléments chimiques portant des charges électriques positives ou négatives.)

Ces derniers, toujours sous l’effet de l’osmose, traversent des membranes différentes dites « à anions sélectifs », et produisent un courant ionique qui sera converti en courant électrique directement, sans passer par une turbine.

C’est ce procédé qui recèle de plus fort potentiel d’évolution.

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Un estuaire,  le meilleur endroit pour capter l'énergie osmotique.
Le delta du Danube.

Complexe, mais pas trop…

Avec ces deux techniques, un mélange d’eau de mer et d’eau douce peut produire de l’électricité, mais en quantités insuffisantes pour être rentable !

Alors, morte-née, la belle énergie bleue ?

Que nenni !

Différentes améliorations arrivèrent à la rescousse du procédé RED, à commencer par les nanotechnologies, qui permirent à une startup française, Sweetch Energy de proposer des membranes nanoporeuses (INOD) qui peuvent multiplier par mille le rendement électrique des membranes au m2 !

Et de quel rendement parle-t-on ?

Toujours en expérimental (donc avec un fort potentiel d’amélioration) ces membranes peuvent produire de 20 à 30 watts /h au mètre carré, selon Bruno Mottet, Directeur scientifique et cofondateur de Sweetch Energy. 

Par gain de place, les membranes sont empilées les unes sur les autres, et se présentent en stack, que l’on pourrait comparer à de grandes armoires métalliques.

Ensuite, ces générateurs osmotiques ne demandent que suffisamment d’eau pour fonctionner, douce et salée (un fleuve et la mer) qui sera ensuite rejetée au large, sans pollution aucune, sous forme d’eau saumâtre, avec la même composition chimique qu’un mélange naturel à cet endroit.  

Géographiquement, on pourrait imaginer une centrale osmotique dans presque tous les estuaires de la planète : avec un potentiel de production électrique théorique qui varie entre un maximum de 30.000 TW/H et 5.000 TW/h annuels, un minimum qui pourrait quand même couvrir 15% de la production annuelle planétaire sur une échelle de 30 ans !

À titre de comparaison, selon Suisse énergie, la consommation annuelle d’électricité en Suisse est d’environ 50 TW/h pour les chiffres de 2019.

Pourtant et comme toujours, ce n’est pas si simple de développer une nouvelle technologie de production d’énergie : pour l’instant, les membranes biosourcées sont encore difficiles à produire en grandes quantités, et les estuaires sont des environnements écologiquement fragiles, souvent déjà très encombrés industriellement.

Sans compter que les deltas ne concernent que les pays qui possèdent un littoral, même si 50 % de la population mondiale vit près des côtes...

Cependant, le concept est si prometteur qu’un démonstrateur de centrale osmotique de petite taille est en construction en France, à l’embouchure du Rhône, avec des moyens qui associeront, notamment, Sweetch Energy et la compagnie nationale du Rhône , avec une mise en service prévue pour fin 2023. 

Et si les essais sont concluants, les projections sont particulièrement optimistes (trop ?) car selon Nicolas Euzé, une production de 4 millions de MW/h chaque année sur le Rhône est envisageable, soit environ la puissance d’une centrale nucléaire pour un coût très inférieur et un impact environnemental et sociétal encore plus réduit…

Musique d’avenir, certes, car de tels chiffres ne sont que des extrapolations, mais une telle quantité d’énergie serait suffisante pour, à terme, approvisionner la ville de Marseille, située à proximité, et toute sa banlieue…

Les deltas, nombreux sur terre, des membranes osmotiques, et Marseille, près de l'embouchure du Rhône.

En résumé, la rencontre d’eau douce et d’eau salée produit, depuis toujours et de façon naturelle, un soupçon d’énergie en se mélangeant : le processus est permanent, propre, local (et donc souverain) et on sait maintenant en tirer une quantité significative d’électricité décarbonée !  

À l’échelle de la planète, le potentiel de l’énergie osmotique est donc immense, comme toujours avec les énergies naturelles, mais il est encore peu connu et doit prouver sa rentabilité en situation réelle...

Parions cependant qu’à l’instar des autres énergies renouvelables plus courantes, que l’on maitrise déjà, son développement sera conséquent.

Et si des moyens suffisants sont alloués, l’ensemble de ces énergies renouvelables non polluantes pourrait produire la moitié de l’électricité consommée sur la planète en 2050, et la totalité trente ans plus tard…

N’en déplaise aux adeptes d’une décroissance sauvage comme ultime salut, il n’est donc pas exclu que nos sociétés parviennent à s’adapter en douceur, notamment en créant des projets comme celui-ci, qui tirent parti des énergies naturelles renouvelables et décarbonées qui nous entourent…

Des énergies qui, rappelons-le, sont plus que suffisantes pour assurer les besoins de tous les habitants de la planète pour longtemps, à condition bien sûr, de répartir équitablement les moyens de leur captage.