Smart city, ou la ville intelligente 2/2
La gestion de l’énergie
L’un des atouts les plus saillants de la ville intelligente est sa capacité à piloter l’utilisation de son énergie, de la production locale (énergies renouvelables produites intramuros) aux importations / exportations, pour autant qu’un maximum de consommateurs soit équipé et connecté, au minimum par l’intermédiaire d’un compteur dit « intelligent » …
Donc, les compteurs sont connectés. Ce n’est déjà pas si simple, selon la taille de la ville, car remplacer des dizaines de milliers d’anciens compteurs analogiques par leurs remplaçants modernes prend du temps, consomme des moyens, et nécessite de convaincre les propriétaires…
À partir de là, l’application de la ville connait l’état de la consommation électrique en permanence, et de façon beaucoup plus fine qu’aujourd’hui.
Et chaque habitant, grâce à son identifiant unique, peut visualiser la sienne et le prix de l’énergie à un instant T, puisque celui-ci variera en fonction des conditions de production.
Toujours dans l’application de la ville, on connaitra, en temps réel, l’état des ressources énergétiques de la smart city : la production locale (solaire, géothermique, éolienne, voire hydraulique, si un cours d’eau est présent) et celle qui est importée.
Avec ces informations, le prix variera, en temps réel, et influencera les habitudes des habitants, instaurant un cercle vertueux incitatif.
Ainsi, une recharge de véhicule électrique, ou n’importe quel autre usage gourmand en électricité, seront favorisés pendant les périodes de forte production des énergies renouvelables, et ce en fonction du coût réel à ce moment-là...
Bien sûr, pour tous les objets connectés (habitations, véhicules, station de recharge, éclairage urbain) cette procédure peut être automatisée.
Dans ce cas, la smart city contrôlant ses propres ressources, en cas de baisse critique de l’approvisionnement, la ville pourra équilibrer seule, selon un scénario préétabli, les secteurs qui pourront être diminués (chauffage urbain, climatisation, éclairage public, panneau d’affichage, recharge des véhicules publics) notamment.
Ensuite, toutes les réserves pourraient être mises à contributions au niveau local, y compris, grâce au chargeur bidirectionnel, un faible pourcentage de l’énergie stockée dans les batteries des véhicules électriques au parc, voire la mise en service d’une petite centrale électrique de secours à gaz, voire, dans un futur proche, à hydrogène.
Un tel niveau de connexion couplée à une production autonome locale élevée offrirait une résilience énergétique à la ville, ce qui préserverait ses habitants et les éloignerait d’autant des scénarios de délestage, des coupures indifférenciées par secteurs, une méthode du siècle passé…
La mobilité
Élément essentiel dans une cité tant il peut être source de désagréments, la ville intelligente gérera aussi la mobilité.
Feux de signalisation, éclairages publics, capteurs de température, d’ensoleillement, de vent, mais aussi la météo dans l’optique du trafic.
Sans oublier les transports publics, les stations de recharge pour véhicules électriques, et un service gérant le covoiturage et la mobilité douce (vélos électrique, navettes citadines, Segway. etc.) l’engin idéal restant à inventer !
Et, quel que soit le véhicule utilisé hors transports en commun, une place de parc sera nécessaire à son arrêt prolongé ; en surface ou en sous-sols, selon l’équipement de la ville.
On prend cet exemple des avantages d’un objet connecté, utile et bien géré ?
À partir d’une application logicielle (celle de la ville) installée sur une voiture connectée (à défaut sur son smartphone) un conducteur est informé des places de parcs libres à sa destination, ou du moins à proximité.
Une courbe de fréquentation peut même lui indiquer à quel moment son stationnement sera le plus facile, pour lui permettre d’ajuster l’heure de son déplacement.
Dans le même esprit, l’application peut moduler le tarif en fonction des heures, pour lisser la fréquentation, voire l’interdire par secteur, en raison d’une manifestation, par exemple.
Une fois sur place, dès que la place est occupée, le capteur situé sous le bitume enregistre le véhicule, et débitera, par l’intermédiaire de l’application de la ville, le temps exact d’occupation sur le compte du propriétaire quand le véhicule s’en ira.
Quinze minutes avant l’échéance du temps maximal autorisé, l’application avertira le conducteur afin que le distrait échappe à la contravention, qui peut, elle aussi, être automatique…
Avec ce système, on maximise l’usage des places de parc, qui peuvent donc être moins nombreuses.
On évite aussi du temps de trajets inutile à tourner en rond pour la recherche d’une place (en moyenne 30 % des trajets dans une ville comme Genève, selon IEM group) et on fluidifie le trafic d’autant, sans parler de l’énergie économisée et donc le CO2 épargné…
Tiens, il existe donc un moyen plus intelligent que celui de supprimer, encore et toujours, des places de stationnement en ville ?
Sans oublier l’armée de contractuels qui s’en trouvera fortement réduite, et que l’on pourra réaffecter à des tâches plus gratifiantes au service des habitants de la ville.
Et techniquement ?
Les détecteurs de présence enterrés existent déjà ; le déploiement est rapide, sans câbles grâce à la norme de transfert de données LoRaWAN, spécialement étudiée pour l’internet des objets connectés (IoT) et particulièrement économes en énergie, un capteur pouvant fonctionner des années avec sa batterie intégrée.
La sécurité
Outre la gestion du trafic, les caméras de surveillance (pour le meilleur et pour le pire, sont déjà présente dans toutes nos villes ou presque) seront capables de reconnaitre une personne d’un véhicule, une situation normale d’une qui ne le serait pas…
Ainsi, si de telles expériences ont déjà été menées dans nos tunnels d’autoroute, où la vitesse autorisée est automatiquement abaissée sur les panneaux et un signal de danger affiché en cas de détection d’accident par les caméras, il en serait de même, de façon plus évoluée, dans une smart City…
Et pas question de fliquer les habitants !
Les personnes présentes peuvent facilement être « anonymisées » visages automatiquement floutés, ID masquée, selon les lieux surveillés, pour ne s’intéresser qu’aux situations, et pas aux visages ou aux identités, sauf crime grave avéré.
Ainsi, la ville serait plus sûre, plus réactive aussi, et les accidents seraient signalés en temps réel, y compris sur les GPS des automobilistes, s’ils occasionnent une gêne pour le trafic.
Pourtant, et comme toujours lorsque l’on traite les données sur les gens et leurs habitudes, la protection de la sphère privée des habitants sera l’un des points à étudier tout particulièrement dans une application centralisatrice comme celle d’une smart City…
Et cette réflexion devra être conduite en amont, avant son déploiement, et réévaluée régulièrement, à mesure que les algorithmes apprendront, et que de nouveaux usages apparaîtront.
Alors, convaincante cette smart City ?
Sur les termes de l’énergie, mais aussi du bien construire, qui nous intéressent particulièrement ici, les expériences menées, notamment en France, dans la vile de Dijon, ou à Songdo en Corée du Sud, laissent entrevoir une baisse de 65 % de la consommation d’énergie, en sachant que ce n’est qu’un début, car aucunes de ces avancées ne sont globalisées sur la ville entière, ni fédérée par une application unique.
Et pour le futur ?
Des projets comme The Line, la ville réinventée dans le désert, ne sont pour l’instant, à peine plus qu’un concept futuriste. Pourtant, ils sont porteurs d’une inspiration, d’un souffle et d’une vision, à défaut d’une voie à suivre en raison de leur gigantisme, mais les solutions proposées sont élégantes, novatrices, et règlent, du moins sur le papier, tous les problèmes quasi insolubles des grandes villes actuelles.
En 2021, selon admin.ch, les trois quarts de la population suisse habitaient en ville, ou en périphérie urbaine. Et cette proportion ne cesse de grandir partout sur la planète. Pour relever ce défi de façon durable et pour améliorer les conditions de vie des citadins, un changement de paradigme est indispensable.
La smart City du futur produira sa propre énergie, aura un bilan carbone neutre, et les services qu’elle offrira seront autonomes, y compris la mobilité, pilotés qu’ils seront par une intelligence artificielle qui offrira sa puissance de traitement et de stockage, mais aussi une mise à disposition de l’information et des capacités de communications locales accrues, selon le principe de l'Open Data.
Et puis, sachant que les principes précédents s’appliquent beaucoup plus facilement à des ensembles neufs, pourquoi ne pas les introduire, au moins partiellement, dans un nouveau projet de construction, celui d’un grand quartier par exemple ?
Ce type de réalisation pourrait, à terme, constituer le noyau de nouvelles cités édifiées graduellement, voire rénovées de la même façon, car construire une grande ville à partir d’une page blanche pourrait, pour séduisant qu’il soit, être un rêve difficilement réalisable dans nos contrées !