Les centrales solaires
Même si, sous nos latitudes, la production d’électricité d’origine solaire s’annonce avant tout décentralisée, des concentrations sous forme de petites centrales solaires ne sont pas à exclure, en particulier en altitude.
Comme les panneaux solaires qui les composent, les centrales solaires utilisent différentes techniques, mais elles peuvent se classer en deux types principaux :
- Centrale solaire photovoltaïque
Comme avec la majorité de nos panneaux solaires d’habitations, il s’agit ici de produire directement de l’électricité avec la lumière du soleil : une cellule contenant du silicium, un matériau conducteur, va, sous l’effet de la lumière, libérer des électrons qui produiront un courant électrique continu.
Un onduleur se charge ensuite de transformer cette électricité en courant alternatif pour qu’il soit compatible avec nos réseaux.
Ces centrales exploitent le même concept, à une échelle très différente, que les installations qui fleurissent sur nos toits.
- Centrale solaire thermique (ou thermodynamique)
Ce type de centrale est plus complexe.
En effet, avec une centrale solaire thermique, on n’utilise pas directement le rayonnement du soleil, mais on le concentre, via des miroirs (aussi nommé héliostats) sur des tubes horizontaux où circule un fluide caloporteur.
Selon la technique retenue, on veille à ce que les points de convergence (focalisation) soient chauffés toute la journée, soit par une courbure des miroirs, soit en les orientant automatiquement, par exemple sur une tour placée au centre des héliostats.
Parvenu à la température désirée (plusieurs centaines de degrés) le liquide caloporteur est précipité dans une chaudière qui produira de la vapeur, et entrainera une turbine couplée à un alternateur : ce n’est qu’à ce stade, que de l’électricité sera produite.
D’autres variantes existent, notamment les centrales solaires dites à « miroirs de Fresnel » qui, comme la célèbre lentille, fractionnent le rayonnement pour permettre l’utilisation de miroirs plus petits et moins coûteux, mais le principe reste le même.
L’avantage des centrales solaires thermiques, dividendes de leur complexité, est leur capacité de stockage de la chaleur emmagasinée par le fluide caloporteur. Ainsi, en fonction de la quantité stockée et des réservoirs à disposition, la centrale pourra encore produire de l’énergie longtemps après le coucher du soleil !
Une centrale solaire à concentration et ses héliostats.
Certaines centrales chinoises à concentration (infographie) comme celle de Gansu, dans le désert de Gobi, utilisent du sel fondu comme fluide caloporteur : sous certaines conditions, elle peut fonctionner en permanence, jour et nuit... Ce qui permet d’atténuer le principal défaut de l’énergie solaire, son alternance !
Oui, mais…
Les déserts de Gobi, celui d’Abu Dhabi, de Californie, ou encore Noor Ouarzazate, le site du plus grand complexe solaire marocain, sont tous situés dans d’immenses espaces très peu peuplés, sans même parler des conditions météorologiques que nous connaissons en Suisse...
Ici, les périodes d’ensoleillement sont moins longues qu’au sud, et fréquemment interrompues par une couverture nuageuse ou des brouillards, spécialement en hiver, quand l’électricité est la plus utilisée, notamment pour le chauffage.
Alors, pas de centrales solaires en Suisse ?
Actuellement, elles sont quelques-unes, de taille modeste, comme celle du Mont Soleil (le bien nommé) à Berne, qui fut une des plus grandes d’Europe, en… 1992 !
Et depuis ?
Si des projets intéressants ont vu le jour çà et là (aéroport de Bern /Belp, raffinerie de Cressier NE, notamment) on constate que la proverbiale lenteur helvétique pour adopter de nouvelles technologies n’est pas une légende (moins de 5% de l’énergie consommée en Suisse en 2021 d’origine solaire !) dont une infime fraction produite par les quelques centrales solaires du pays…
Cette situation peut-elle changer ?
La Suisse est-elle condamnée (est -ce un mal ?) à privilégier une production d’énergie solaire décentralisée sur les infrastructures existantes en priorité ?
Sans doute !
Avec notre climat, l’une des seules pistes pour l’édification de centrales solaires efficaces est de les déplacer en altitude, au-dessus de 2000 m. Là, un soleil plus intense avec moins de nuages ou de brouillard, sans oublier l’albédo de la neige (tant qu’il y en a encore !) pourrait accentuer le rayonnement, donc la production…
Quelques projets sont en cours, notamment sur les lacs de retenue des barrages (Bourg Saint-Pierre, VS, et Muttsee, GL) ce qui permet d’exploiter les infrastructures existantes, car c’est probablement là que réside le principal problème de la construction de grandes centrales solaires en Suisse…
C’est que même dans nos plus vastes cantons, même dans les montagnes, le pays est trop petit, trop densément peuplé pour que des centrales solaires d’envergure soient acceptées, car leurs empreintes sur le paysage et surtout au sol, seraient comparables aux champs d’éoliennes, âprement combattus en Helvétie…
Reste, les infrastructures existantes, et toutes celles que nous allons construire pour d’autres usages !
Et si c’était cela, la plus grande centrale solaire de Suisse ?
Quand la place manque, quand le paysage est trop précieux, multiplions les usages en apposant des panneaux solaires partout où des structures sont déjà édifiées !
Un toit et des murs justes protecteurs, ou un toit et des murs recouverts de panneaux solaires protecteurs ET producteurs d’électricité renouvelable, largement décarbonée ?
Des autoroutes simples, à ciel ouvert, déjà existantes, ou des autoroutes couvertes d’un toit de panneaux solaires, voire de petites éoliennes, à l’image du très intéressant projet pilote de 1,6 km qui peine à voir le jour à Fully, en Valais ?
Sur un tronçon d’autoroute de 1 KM, selon l’entreprise zougoise Servipier, les 30.000 panneaux photovoltaïques installés produiraient, en moyenne, près de 12.5 GWh d’énergie par année, soit la consommation d’environ 12.000 personnes, une production qui pourrait être doublée avec de l’éolien vertical dans la structure…
Et là, juste pour le plaisir, mais aussi pour évaluer le potentiel d’un seul projet poussé à son maximum, rêvons un peu que la Suisse soit avant-gardiste, audacieuse, visionnaire (oublions Swissmétro !) et qu’elle se mobilise sur un grand projet national impliquant un partenariat public / privé d’envergure, simple vue de l’esprit !
Et si la Suisse était la première à mettre en place un réseau autoroutier partiellement couvert de panneaux solaires ?
En 2022, selon l’Office fédéral de la statistique, notre pays comptait 1.544 KM d’autoroutes à 4 voies, donc dans les deux sens, ce qui signifie une division par deux pour obtenir la longueur des tronçons, soit 772 KM.
Soustrayons à la louche (une vue de l’esprit n’a pas besoin d’être très précise) les endroits où cela n’est pas approprié ou trop coûteux (tunnels, viaducs, échangeurs, etc.) pour ne retenir que 500 KM potentiellement recouvrables.
En multipliant les prévisions de production d’énergie annuelle au kilomètre du projet de Fully, par le nombre de KM total pouvant être équipé, on obtient un total de 6.250 GW/h par an… Plus du double avec des éoliennes verticales intégrées !
En procédant de même avec les coûts (50 millions CHF pour les 1,6 km du projet de Fully) on arrive à la somme certes conséquente de 15.6 milliards de CHF, sûrement beaucoup moins, à cause de l’effet d’échelle, espacé sur vingt ans...
Soit le prix d’une centrale nucléaire (le vrai, avec la provision de démantèlement) pour une production deux fois supérieure, avec un entretien moindre, un danger nul, sans production de déchets…
Et que de travail pour nos entreprises !
En résumé, si on recouvrait, là où c’est possible, l’ensemble de nos autoroutes de panneaux solaires, on arriverait à produire 6.250 GWh par an, plus du double avec de l’éolien, et sûrement plus encore en comptant l’amélioration du rendement de ces technologies pendant toute la durée du chantier…
Vous avez dit la plus grande centrale solaire / mixte du monde ?